Des tirs nourris, un centre-ville bouclé et survolé par un hélicoptère: un assaut policier d'ampleur a été lancé mercredi à Saint-Denis, aux portes de Paris, ciblant Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attentats qui ont fait 129 morts vendredi.
Selon des sources policières, au moins deux forcenés sont morts dont une femme qui s'est fait exploser, un acte sans précédent en France. Elle "a activé son gilet explosif au début de l'assaut", a annoncé le procureur de la République de Paris, ne confirmant à ce stade que ce décès.
Les policiers d'élite du Raid ont extrait trois hommes de l'appartement, immédiatement placés en garde à vue, a précisé le procureur. Un homme et une femme ont également été interpellés à proximité immédiate de l'appartement et aussi placés en garde à vue.
Dans le quartier bouclé par des policiers et des soldats munis d'armes automatiques, de casques et de gilets pare-balles, une journaliste de l'AFP a vu les forces de l'ordre emmener un homme qui dit avoir hébergé deux personnes "qui venaient de Belgique" dans l'appartement visé par l'assaut, et une de ses amies.
Au moins trois policiers ont été blessés au cours de l'assaut, lancé vers 04H20 par la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire et le Raid.
François Hollande suit les développements dans son bureau à l'Elysée avec le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Selon une source policière, la cible de l'assaut est Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attentats de vendredi. Membre de l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué les attentats de Paris et Saint-Denis. Ce jihadiste belge de 28 ans, surnommé Abou Omar Soussi ou Abou Omar al-Baljiki, est recherché depuis janvier, soupçonné d'avoir également projeté des attentats en Belgique.
A Saint-Denis, Alexia, qui se trouvait à sa fenêtre, a entendu "des tirs à partir de 04H25, des "boum" comme des grenades puis des rafales intermittentes", a-t-elle raconté.
"On se croirait en guerre", s'est alarmée Hayat, 26 ans, qui avait passé la nuit chez des amis, rue du Corbillon. "J'aurais jamais pensé que des terroristes puissent se cacher ici".
Le métro et les lignes de tramway desservant la ville ont été arrêtés et les établissements scolaires du centre-ville sont fermés, les habitants étant priés de ne pas sortir de chez eux.
- Kamikaze au passeport syrien -
Salah Abdeslam, 26 ans, soupçonné d'avoir été l'un des tireurs qui ont mitraillé vendredi soir les terrasses de cafés et restaurants parisiens, avec son frère Brahim Abdeslam, qui s'est fait exploser, est aussi toujours activement recherché, notamment en Belgique, où les attaques ont été organisées selon les autorités.
Les enquêteurs disposent par ailleurs d'une vidéo accréditant l'existence d'un autre assaillant dans leur commando qui circulait à bord d'une Seat noire. Il pourrait être lui aussi en fuite.
Deux complices présumés ont par ailleurs été arrêtés samedi dans le quartier bruxellois de Molenbeek, plaque tournante du jihadisme, et inculpés par la justice belge pour "attentat terroriste". Ces deux hommes, Mohammed Amri, 27 ans, et Hamza Attou, 20 ans, sont aussi soupçonnés d'avoir exfiltré Salah Abdeslam en Belgique après les tueries.
Les trois équipes coordonnées de jihadistes, qui ont fait 129 morts (dont 117 ont été identifiés) et 352 blessés (221 encore hospitalisés dont 57 en réanimation), auraient ainsi été composées de neuf hommes: trois kamikazes aux abords du Stade de France à Saint-Denis, trois autres dans la salle de spectacles du Bataclan et trois assaillants pour les terrasses de bars et restaurants dans la capitale.
Plusieurs kamikazes ont déjà été identifiés, tous français: Samy Amimour (28 ans), Omar Ismaïl Mostefaï (29 ans), Bilal Hadfi (20 ans) et Brahim Abdeslam (31 ans).
Mostefaï, Amimour et Hadfi se sont rendus en Syrie. C'est probablement le cas aussi des deux frères Abdeslam.
Les policiers ont aussi diffusé la photo d'un des kamikazes du Stade de France, dans le cadre d'un appel à témoins, pour obtenir des informations sur cet homme passé par la Grèce cet automne. On a retrouvé près de son cadavre un passeport syrien dont l'identité correspond à celle d'un soldat de Bachar al-Assad tué il y a plusieurs mois.
- "Trop de temps perdu" -
Autre jihadiste français qui intéresse les enquêteurs: Fabien Clain, 35 ans, vieux routier toulousain des filières radicales, qui a revendiqué au nom de l'EI dans un enregistrement les attaques parisiennes.
Sur le plan politique, l'ambiance est de moins en moins à l'union nationale malgré un relatif consensus autour de la réponse sécuritaire portée par François Hollande.
Mercredi, Nicolas Sarkozy a sévèrement mis en cause François Hollande et le gouvernement, déplorant "trop de temps perdu" depuis les attentats de janvier et une insuffisante prise en compte des conséquences de l'intervention en Syrie sur la "sécurité intérieure".
Le Conseil des ministres doit examiner mercredi le projet de loi sur la prolongation de l'état d'urgence pour trois mois, qui doit être voté jeudi par l'Assemblée nationale et vendredi par le Sénat. Un état d'urgence jusqu'alors confiné à la métropole, qui sera étendu à l'outre-mer.
Pour organiser la riposte militaire, François Hollande rencontrera Barack Obama à Washington mardi prochain et Vladimir Poutine deux jours plus tard à Moscou, dans l'espoir d'une coalition unique visant à "détruire" l'EI.
Le président russe a ordonné à sa marine de "coopérer" avec la France.
Le président américain a salué mercredi le rôle de Moscou dans les pourparlers visant à mettre fin à la crise en Syrie. La Russie a été "un partenaire constructif à Vienne en essayant de créer une transition politique" en Syrie, a déclaré M. Obama en référence aux récents pourparlers internationaux en Autriche.
Paris a réclamé mardi l'assistance militaire des pays de l'Union européenne, après une nouvelle nuit de bombardements français à Raqa, fief de l'EI. L'UE a fait part de son soutien "unanime".
Au cours des dernières 72 heures, les frappes aériennes menées par la France et la Russie dans le nord de la Syrie ont tué 33 jihadistes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).