Un réseau jihadiste kurde lié à l'organisation Etat islamique (EI), qui prévoyait d'enlever des diplomates européens pour tenter d'obtenir la libération de son chef religieux détenu en Norvège, a été démantelé jeudi par les carabiniers italiens.
Dix-sept mandats d'arrêt ont été émis contre 16 Kurdes irakiens et un Kosovar, dans le cadre d'une enquête lancée il y a cinq ans par le parquet de Rome pour "association terroriste": 13 d'entre eux ont été arrêtés en Italie, au Royaume-Uni et en Norvège, tandis que la police soupçonne les autres d'être partis se battre en Syrie ou en Irak.
Cette importante opération de police a été coordonnée au siège d'Eurojust, l'organisme de coopération judiciaire de l'UE à la Haye, a expliqué lors d'une conférence de presse le général Giuseppe Governale, chef du groupe des opérations spéciales (ROS) des carabiniers italiens.
La cellule opérait sur internet, pour faire du prosélytisme et recruter des combattants jihadistes dans le but de "constituer, concrètement et à moyen terme, un état islamique kurde en Irak", a affirmé le général Governale.
Même si la plupart des forces kurdes sont engagées contre l'EI en Irak et en Syrie, ce réseau avait délibérément "choisi" l'EI comme partenaire afin de mener à bien son but, a expliqué le procureur adjoint de Rome, Giancarlo Capaldo.
Ce réseau, qui se faisait appeler Rawti Shax ou Didi Nwe (le "nouveau chemin" ou "vers les montagnes") selon Eurojust, s'articulait autour de Najmuddin Ahmad Faraj, dit Mollah Krekar, un prédicateur fondamentaliste kurde irakien de 59 ans.
Réfugié depuis 1991 en Norvège, le mollah Krekar a été condamné en 2012 à plusieurs années de prison dans deux affaires de menaces et d'appels au meurtre. Libéré en janvier, il a été de nouveau arrêté fin février après des propos menaçants contre un Kurde ayant arraché et brûlé des pages du coran.
Co-fondateur d'Ansar al-Islam, un groupe islamiste qu'il affirme ne plus diriger depuis 2002, il figure sur les listes de personnes et organisations terroristes établies par les Etats-Unis et l'ONU.
- Pas de 'menace concrète' -
"Ce mollah Krekar, idéologue de l'islamisme à tout prix, est un leader du mouvement Al-Qaïda, qui a réussi à s'adapter et à changer de stratégie pour s'allier avec Al-Baghdadi", le chef de l'EI, a expliqué le général Governale.
Il avait constitué une organisation avec une activité légale "de prosélytisme +soft+ sur le web, et une autre +noire+, connue des seuls adeptes", via des plateformes informatiques complexes que le ROS a réussi à pénétrer.
Par ce biais, le réseau encourageait le radicalisme et cherchait à enrôler de jeunes Kurdes de la diaspora.
"Nous avons ainsi l'exemple d'au moins cinq Kurdes qui ont été envoyés dans les zones de combats, et pour deux d'entre eux, nous avons la certitude qu'ils y sont morts", a détaillé le général Governale.
Autre volet de l'activité de la cellule: des projets d'enlèvements de diplomates norvégiens et britanniques au Moyen-Orient et en Norvège, ou encore de parlementaires pour tenter d'obtenir la libération du mollah Kraker ou au moins un assouplissement de ses conditions de détention.
Mais Signe Alling, avocate des services de renseignement norvégiens (PST), a assuré lors d'une conférence de presse à Olso qu'aucune "menace concrète" contre des citoyens ou intérêts norvégiens n'apparaissait dans cette enquête.
Enfin, les membres du réseau envisageaient aussi le martyre, a souligné le général Governale: "A plusieurs reprises, ces Kurdes évoquent la possibilité de rendre hommage à leur Dieu, à leur religion, et d'accepter le sacrifice" d'un attentat-suicide.
A Olso, le ministre norvégien de la Justice, Anders Anudsen, s'est déclaré prêt à exécuter "le plus rapidement possible" une éventuelle demande d'extradition du mollah Kraker vers l'Italie, à condition que Rome s'engage à ne pas le renvoyer en Irak.